Oedipe – Lucernaire 2012

Affiche Oedipe au Lucernaire
Affiche Oedipe au Lucernaire

Compagnie: Compagnie du Loup Blanc
Texte: Voltaire
Mise en scène: Jean-Claude Seguin
Distribution: Marie Grudzinski, Juliette Wiatr, François Chodat, Luc Ducros, Antoine Herbez, Vincent Domenach
Rôle joué: Oedipe
Lieux et dates: au Théâtre du Lucernaire du 18 janvier au 04 mars 2012, au Théâtre du Bordeau de Saint-Genis-Pouilly (01), le 27 mars 2012 ; au Théâtre de la Vallée d’Yerres à Brunoy 4 (91), le 6 avril 2012 ; au Théâtre Roger-Ferdinand de Saint-Lô (50), le 24 avril ; au Théâtre municipal de Dreux (28), le 5 janvier 2012, au Théâtre municipal de Lavelanet (67), le 12 janvier 2012.

Photos

Bande annonce du spectacle (Enregistrée par les éditions de l’Harmattan au Théâtre du Lucernaire)

Extraits vidéo

Dossier de Présentation

Revue de presse

 

Le spectacle : Oedipe

François Marie perdit sa mère à l’âge de sept ans et se plut à dire que le sieur Arouet n’était pas son vrai père : lorsque l’enquête policière se mue pour Œdipe en une quête d’identité, on a le sentiment que, sous sa peau, coule directement le sang de l’auteur : « Mais qui suis-je, grands dieux ? » D’où la dimension intime, brûlante, passionnelle de la pièce qui, écrite sous le signe de Corneille, mais aussi de Shakespeare et bien sûr de Sophocle, échappe au classicisme dont, plus tard, Voltaire se réclamera. A mille lieues du code de la bienséance, avec ses retournements et ses fausses identités démasquées, elle semble annoncer le drame romantique.

ŒDIPE, 1718-2012

La vigueur de l’écriture, la nervosité de l’intrigue, la montée implacable de la tension, la thématique brûlante de la pièce, tout, dans Œdipe, concourt à la modernité du propos.

Un rythme enlevé, un montage presque cinématographique, des scènes comme prises à la volée et qui s’achèvent en suspens : écrite dans un style nerveux, direct, cette pièce limpide de bout en bout, étonnamment accessible, est l’œuvre d’un jeune homme insolent et fougueux, qui craint par-dessus tout l’ennui. Le suspense, haletant, est celui d’un thriller.

Emprisonné onze mois à la Bastille pour propos irrévérencieux envers le Régent, le jeune Arouet a tout le temps de peaufiner sa première pièce. Dès sa création en 1718, elle connaît un véritable triomphe et rend célèbre, du jour au lendemain, un dramaturge de vingt-quatre ans qui, lors de sa publication, prend le pseudonyme de… Voltaire. Œdipe, jamais jouée depuis 1852, fut la tragédie la plus jouée tout au long du XVIIIe siècle.

Présentation

La peste sévit à Thèbes, avec son cortège d’anarchie et de morts. Pour y mettre fin, les dieux exigent que l’on « connaisse et punisse » le meurtrier de Laïus. Confronté à une situation extrême, qu’il s’agisse du sida, de la guerre ou de la crise économique, le groupe réagit toujours de la même façon : par l’exclusion et la recherche de boucs émissaires. Le lynchage n’est jamais loin. La tragédie de Voltaire parle en ce sens, pleinement, de notre temps. Prenant pour cible à la fois le pouvoir monarchique (« Un roi pour ses sujets est un dieu qu’on révère. / Pour Hercule et pour moi, c’est un homme ordinaire ») et religieux (« Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense. / Notre crédulité fait toute leur science »), certaines tirades furent, à l’époque, acclamées par le public. Dans la lecture que nous en faisons aujourd’hui, plusieurs fils apparaissent, tout aussi riches de sens et de couleurs en 2012 qu’en 1718, date de la création d’Œdipe : tandis que le grand prêtre incarne l’arrogance d’un clergé qui, s’interposant entre des humains crédules et des dieux sanguinaires, tend à régenter la société civile, la quête de soi qui pousse Œdipe à élucider le mystère de ses origines acquiert aujourd’hui, avec l’essor de la psychanalyse, mais aussi les nouvelles techniques de fécondation ou le recours de plus en plus fréquent à l’adoption, une force nouvelle : « J’abhorre le flambeau dont je veux m’éclairer. / Je crains de me connaître, et ne puis m’ignorer… »

Le mot du metteur en scène

Nous avons choisi, pour retrouver la fraîcheur, la naïveté, mais aussi la violence et la crudité du mythe originel, de mettre en relief la fable, axée, d’une scène à l’autre, sur une montée du suspense et une révélation progressive de la vérité — aveuglante : alors qu’Œdipe croit s’être comporté en homme libre et vertueux, il découvre, à l’issue de son enquête, que les dieux, toujours, se sont joués de lui… et il se crève les yeux. Son cri de révolte (« Impitoyables dieux, mes crimes sont les vôtres / Et vous m’en punissez ! ») nous pose question : qu’en est-il de notre liberté ? Sommes-nous des êtres manipulés — par les dieux bons ou mauvais de notre enfance, de notre éducation ? Enfin, tout en respectant le langage de l’alexandrin, dont aucun pied ne sera tronçonné (il marchera, dansera et bondira sur ses douze pattes aux ressources merveilleuses), nous avons voulu l’apprivoiser, le parler, l’assimiler pour lui redonner vie dans le chant de nos muscles, de nos nerfs et de nos artères — afin qu’il acquière l’évidence d’un langage poétique contemporain.